Dans notre rapport aux jeunes enfants (mais aussi aux personnes âgées, malades ou porteuses d’un handicap),
nous nous permettons parfois certains commentaires, attitudes, gestes que nous détesterions recevoir nous-mêmes.
Sous prétexte de vouloir aider des personnes qui nous semblent plus fragiles,
nous avons tendance à les juger, les infantiliser, les priver d’autonomie
et allons parfois, sans même nous en rendre compte, jusqu’à les mépriser … alors que nous les aimons.

 

Quand nous dévalorisons …

Avez-vous remarqué que les adjectifs employés pour qualifier ces enfants que nous aimons sont souvent extrêmement dévalorisants ?

Est-il gratifiant pour un nouveau-né qui a bon appétit d’être traité de « glouton », pour un bébé qui pleure et appelle ses parents d’être considéré comme « capricieux », pour un enfant de 14 mois qui ne marche pas d’être un « paresseux », pour celui qui marche et explore son environnement un « casse-cou » voire un « kamikaze » ? Lorsqu’un enfant parle tôt, c’est une « pipelette », lorsqu’il parle tard un « fainéant », quand un enfant exprime clairement ce qu’il veut, il est « difficile » et s’il se manifeste moins, il est « trop calme ».

Les jeunes enfants ne comprenant pas le second degré, lorsqu’on leur appose des adjectifs comme ceux-là, ils le prennent, à raison, pour eux-mêmes et se construisent avec eux. Ces adjectifs participent-ils à leur envoyer une bonne image d’eux-mêmes ? Utiliserions-nous les mêmes mots avec un adulte ? Certainement pas. Alors, pourquoi le faire avec des enfants ? Si nous arrêtions d’employer des qualificatifs comme ceux-là, nos enfants ne s’en porteraient-ils pas mieux ?

 

Quand nous déshumanisons …

Qui ne parle pas, parfois, d’un bébé à la 3ème personne, comme s’il n’était pas là : « elle a bien mangé », « il est malade aujourd’hui », « elle n’a pas voulu écouter », « il a piqué une colère » : qui, ici, aimerait que deux personnes parlent de nous en notre présence en employant la 3ème personne ? Pourquoi, alors, ne pas systématiquement inclure l’enfant (qui est le premier concerné) en employant la 2ème personne comme on le ferait avec n’importe quel adulte et simplement dire « tu as très bien mangé », « tu ne te sens pas bien, n’est-ce pas ? », « tu n’as pas bien écouté », « je crois que tu étais en colère, c’est ça ? ».

Pire encore, la 3ème personne est parfois remplacée par un vulgaire « ça » : « ça grandit vite à cet âge-là », « ça comprend déjà tout » … !?! …

 

Quand nous forçons …

Les différences de traitement que nous infligeons aux enfants ne se limitent pas aux mots employés, elles se retranscrivent aussi dans nos attitudes. Lorsqu’on demande à un enfant de faire un bisou ou un câlin à quelqu’un, s’est-on déjà posé la question du plaisir que nous aurions, nous adultes, à être obligés d’embrasser ou de câliner quelqu’un que nous n’avons pas choisi (que cette personne nous soit familière comme parfaitement inconnue)  ? Le fait d’embrasser quelqu’un contre son gré n’a rien à voir avec l’apprentissage de la politesse : dire bonjour est une chose, faire un câlin en est une autre. Pas sûre que vous adhériez au câlin au voisin sous prétexte qu’il faut dire bonjour ni au roulage de patin à votre boss tous les matins si demain cette règle était décidée dans votre entreprise … 

 

Quand nous ignorons …

Quand on laisse pleurer un enfant trop petit pour qu’il puisse s’apaiser seul, que l’on dit de lui « qu’il fait des caprices », nous demandons-nous ce que nous ressentirions si les personnes que nous appelions pour nous rassurer dans un moment de détresse ne venaient pas nous chercher et que nous devions finir par nous endormir d’épuisement à force d’avoir appelé en vain ? En viendrions-nous à penser que nous ne sommes finalement pas si aimés que ça, pas dignes d’intérêt ? Comment le vivrions-nous ?

Quand nous stigmatisons …

Lorsque deux enfants jouent ensemble et qu’un des deux se met à pleurer alors que nous avions détourné le regard, ne nous est-il jamais arrivé d’accuser le deuxième en lui demandant « Qu’est-ce que tu as fait ? … Tu n’es pas gentil ! », alors que, presque toujours, soit l’enfant n’a tout bonnement rien fait, soit il a effectivement provoqué les pleurs du premier enfant mais pas de manière intentionnelle. Dans ce genre de situation, l’enfant incriminé ne se sent-il pas stigmatisé dans un rôle d’un enfant méchant ? Considère-t’il la situation comme juste ?

 

Quand nous sommes en mode « pilote automatique » …

Quand nous faisons à la place d’un enfant qui veut essayer de faire par lui-même (et cela nous arrive parfois lorsque nous sommes pressés et voulons « gagner du temps »), nous interrogeons-nous sur la façon dont nous nous sentirions si notre conjoint voulait systématiquement conduire à notre place (car il ou elle se gare plus vite), choisir nos vêtements du lendemain (car il ou elle a de meilleurs goûts vestimentaires), nous faire manger (car il ou elle mange plus proprement) ? Conserverions-nous notre confiance en nous ?

Aimerions-nous que, sans nous prévenir, quelqu’un arrive derrière nous, nous soulève pour nous déplacer, nous essuie le nez ou nous mette un chapeau ?

Nous sentirions-nous respectés si, assis à table, quelqu’un remplissait notre bouche sans nous avoir dit au préalable ce que nous allions manger ?

Serions-nous rassurés si notre conjoint nous amenait voir quelqu’un de familier et qu’au bout de 10 minutes, on se rende compte qu’il a filé sans même nous avoir dit au revoir ?

Je pourrais continuer la liste encore longtemps … mais vous avez compris l’idée.

 

Et si nous faisions autrement …

Les jeunes enfants ne sont pas inférieurs aux adultes, ce sont des personnes qui ressentent, tout comme nous. Et pourtant, jours après jours, nos paroles et nos actions entravent la confiance qu’ils construisent en leurs propres capacités. Nous les aimons mais le message que nous leur envoyons est alors à l’opposé de nos intentions. Et si nous commencions par essayer, au quotidien, de changer nos habitudes pour aller vers plus de bienveillance ? Ils auraient alors plus confiance en eux, plus confiance en nous. Nous les encouragerions ainsi à être autonomes tout en renforçant nos liens, non ?

Qu’en pensez-vous ?

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Bises.

Céline.