Je suis contente de vous retrouver pour vous raconter la naissance de notre 3ème grand amour, 1 an après. C’est un récit intime, un peu particulier puisqu’il s’agit de la lettre que je lui avais écrite 5 jours après son arrivée sur Terre afin de lui transmettre, lorsqu’il serait plus grand, le premier grand récit de sa vie. Il est donc sans filtre. (J’ai simplement masqué les prénoms des enfants, comme je le fais habituellement).
Si je le partage avec vous, c’est parce qu’au delà d’être extraordinaire (et de susciter beaucoup de curiosité !!), je l’ai trouvé particulièrement beau, magique et puissant. Et je pense que cela fait du bien d’avoir accès à des récits de naissances qui se passent bien, pour tout le monde, quand bien même leur contexte soit atypique. Il me semble important de dédramatiser les naissances et de témoigner du fait que, pour la grande majorité des bébés, des mamans, des couples, lorsque la grossesse n’est pas pathologique, que les besoins de la maman sont respectés (intimité, chaleur, mouvements, etc.) et qu’il n’y a pas de freins au développement de l’ocytocine (intrusions médicales, immobilisation de la mère …), elle se passe bien.
Enfin, je tiens à préciser, que, sincèrement et avec maintenant 1 an de recul (puisqu’au delà du choc lors de notre annonce, la quasi totalité des personnes à qui nous avons raconté cette naissance pensent qu’il y a eu traumatisme), je garde le plus beau des souvenirs de cette mise au monde, qui est, incontestablement, mon plus bel accouchement. Donc avis à toutes les mamans qui me liront et qui ont accouché ou accoucheront dans des circonstances ou conditions « hors normes » : ce qui compte est votre ressenti. Si vous l’avez bien vécu, ne vous laissez pas gâcher votre souvenir par les projections d’autres personnes qui angoissent rien qu’en vous entendant. Si votre naissance a été belle, votre souvenir d’elle doit le rester.
Allez, c’est parti …
« Voici le récit de ta naissance mon petit amour :
Dimanche 20 septembre 2020 :
J’ai plutôt bien dormi cette nuit, bien mieux que la nuit dernière et que celle d’avant. Je décide donc de me lever assez vite et de profiter de cette journée en famille, avec Papa et tes grands frères. Il fait beau, encore très chaud, bien trop chaud pour un mois de septembre et infiniment trop chaud pour une femme enceinte approchant des 40 semaines.
Mais mon humeur est bonne et celle des enfants aussi. Nous passons donc une journée magnifique. Nous enchaînons les jeux de société au frais, dans la maison : Uno, Pouet Pouet, Papayoo, Non merci, puzzle …
Le matin, Loulou nous avait indiqué que cela faisait une éternité que nous n’avions pas été au resto tous les 4 – entre le confinement et la grossesse, il nous a été difficile de nous rappeler notre dernière fois. Nous y réfléchissons : certainement cet hiver, lors de nos vacances au ski.
Papa et moi décidons donc que nous irons à la crêperie de la gare pour déjeuner. Nous conservons, comme très souvent, la surprise, jusqu’au moment du départ. Quand tes frères ont leurs chaussures aux pieds, pensant déjeuner dans le jardin, nous leur annonçons cette « sortie » en famille, ce qui les met en joie. Nous profitons du beau temps pour y aller à pieds, ce qui nous fera une petite balade tous ensemble.
Tes frères sont très mignons avec les serveurs : la belle journée continue, et je savoure vraiment ce dimanche qui m’emplit d’ocytocine. Nous rentrons à la maison en discutant, puis je profite du « temps calme » qui suit pour faire une sieste, comme chaque jour ou presque ces derniers temps. Je dors très bien, pendant 1h30 environ puis, à 16h30, je me lève pour continuer les jeux avant la fin de la journée.
À partir de 17h30 à peu près, je sens des contractions arriver. J’indique discrètement à Papa de demander à Nonna de se tenir près de son téléphone si toutefois c’était pour cette nuit. J’avais déjà eu des contractions un peu douloureuses quelques jours avant, sans que le travail ne s’enclenche vraiment, mais je préfère anticiper, pour le cas où.
Depuis le début de la semaine, je sens que mon corps est en pré-travail. J’ai parfois de petites traces de sang, rosées, lorsque je vais aux toilettes. Pour la naissance de Loulou, cela avait été un des signes annonciateurs de la fin de grossesse, d’où, entre autre, mon impatience des derniers jours. J’ai également de petites pertes de liquide que je ne parviens à déterminer : pertes vaginales ? Urine ? Fissure de la poche ? Étant donné que je suis porteuse du streptocoque B et que cela peut-être dangereux pour toi, j’avais appelé la sage-femme de garde dans la matinée afin qu’elle m’éclaire sur le risque, ou non, de fissure. D’après ce que je lui avais décrit et comme le flux semblait stable, j’avais décidé, à ce stade, de ne pas faire l’aller-retour à l’hôpital, situé à environ 35 minutes de la maison, ni de la faire se déplacer en week-end, d’autant plus que j’ai rdv avec une autre sage-femme de la filière mardi matin. Nous nous rappelons en fin d’après-midi et je lui dis que les choses n’ont pas évolué.
Dans le laps de temps qui reste avant le coucher de tes frères et comme les contractions ne se sont pas arrêtées, je vérifie que leurs sacs sont prêts pour aller chez Nonna, et que leurs vêtements pour le lendemain le sont également et fais un point sur leurs lunchboxes avec Papa. Je préfère ne pas leur mentionner mon état avant le coucher pour ne pas créer en eux de fausse joie si le travail ne démarrait pas réellement. Cela fait déjà tellement de temps qu’ils s’impatientent, nous demandant le soir si « le bébé » arrivera pendant leur sommeil et le matin si cela aura lieu quand ils seront à l’école …
Au moment de s’endormir, Chaton me rappelle pour me demander quand tu vas naître. Je lui réponds : “Peut-être cette nuit, ou demain, ou dans une semaine. Nous ne le savons pas.”
La soirée continue avec des contractions qui poursuivent leur rythme de croisière. Je ne les chronomètre pas mais je remarque qu’elles sont d’environ une toutes les 5 minutes. Je dîne avec Papa puis il essaie de soulager mes contractions en exerçant des points de pression appris lors de notre séance bonapace. Il me masse et m’accompagne au mieux. Vers 22h00, je décide d’aller prendre un bain pour soulager mes contractions et voir si l’effet relaxant du bain les fait s’arrêter ou non. Je mets sur mon téléphone une des playlists « détente » préparées pour l’occasion. Papa vient me voir pour savoir comment je vais. Il m’interrompt pour me dire qu’il préfère réveiller tes frères maintenant et les amener chez Nonna avant qu’elle ne se couche. Chaton vient d’ailleurs de se réveiller pour aller faire pipi. Il me voit prendre un bain. Je lui explique que je prends un bain car tu vas peut-être naître cette nuit (je ne pense pas qu’il comprenne le lien …) et qu’il faudrait peut-être continuer sa nuit chez Nonna. Et Papa le raccompagne dans son lit. J’aurais préféré attendre la fin de mon bain et une détente complète pour savoir si le travail avait réellement commencé avant de prendre la décision de changer le programme de chacun mais Papa insiste, disant qu’il serait plus confortable pour tout le monde que la nuit ne soit pas trop avancée si tes frères devaient aller dormir chez elle. Je sors donc rapidement du bain pour les réveiller et leur dire au revoir, leur précisant que tu allais peut-être naître cette nuit mais que rien n’était sûr. Les contractions n’ont pas été atténuées par le bain et continuent d’avoir lieu, en gros, toutes les 5 minutes. Les choses semblent donc se préciser. Une fois de retour à la maison, Damien me demande quel est, selon moi, le pourcentage de chances que j’accouche cette nuit. J’estime cela à 90%.
Je glisse dans les valises pour l’hôpital les affaires de dernière minute à ne pas oublier et Damien descend le tout dans l’entrée. Nous essayons d’accompagner et de soulager les contractions par des massages, des points de pression, une concentration sur mon souffle puis, à minuit, je me décide à appeler Hélène, la sage-femme qui se déplacera à l’hôpital cette nuit si un accouchement a lieu. Je lui dis que les douleurs des contractions s’intensifient et que nous envisageons de partir bientôt car nous habitons assez loin de l’hôpital. Le ton de ma voix lui semblant rassurant, elle me propose de faire un point ensemble dans une heure, ce qui me paraît raisonnable, même si une partie de moi aurait préféré partir maintenant pour que la situation soit plus confortable. Mais, au bout de 30 minutes, nous la rappelons car le travail a avancé : les contractions sont plus douloureuses et se sont rapprochées et nous préférons être sur place pour la fin de travail plutôt que de risquer de partir trop tard.
Une fois dans la voiture, les vibrations dues à la conduite et aux aspérités de la route amplifient les contractions et les rendent vraiment douloureuses et je préfère faire des pauses pour les gérer sur la “terre ferme”. Je descends donc de nombreuses fois de la voiture, ce qui ne rassure pas Papa. Au bout de plusieurs arrêts et alors que nous sommes encore près de la maison, il insiste pour que nous poursuivions la route. De mon côté, je me sens beaucoup mieux hors de la voiture, et il arrive un moment où je souhaite vraiment ne plus remonter. Je demande à Papa de m’aider à enlever ma culotte et je perds un peu de sang dans la rue (le col continue de travailler). Je me sens mieux accroupie dans la rue et je veux rester là. Une voiture s’arrête derrière nous (à une distance raisonnable) et nous demande si ça va puis repart lorsque nous lui répondons que oui. Papa ne semble plus trop savoir quoi faire pour réussir à me convaincre de repartir. Il rappelle Hélène qui lui dit de me “remettre dans la voiture et de rouler”. Il insiste donc pour que je remonte et incline mon siège pour me rendre le trajet moins inconfortable. Ainsi, je peux me mettre à 4 pattes dessus, dos à la route. Sur le coup, j’en veux un peu à Papa de ne pas écouter mes besoins même si je comprends son inquiétude et le fait qu’il soit rassuré par le fait de suivre les conseils de la sage-femme. Je lui dis que ça n’est vraiment pas cool, non, plutôt, je lui grogne que ça n’est pas comme ça qu’il doit m’accompagner, que ça n’est vraiment pas sympa et que j’ai bien trop mal en voiture …
Il me dit qu’il sait tout ça mais que nous serons mieux à l’hôpital, qu’il nous reste 14 minutes avant d’y arriver et que je me débrouille très bien. Je lui réponds que je sens que ça pousse. Tout en roulant, il continue d’exercer des points de pression sur mes reins et m’accompagne par le souffle, ce qui me soulage et m’aide vraiment. Je vérifie mon ressenti en touchant mon vagin et je sens la poche des eaux, bombée sous mes doigts. Quelques instants plus tard (la notion du temps est très vague), je dis à Papa que je sens ta tête, que tu arrives. Puis je lui dis que tu es là et qu’il va falloir qu’il m’aide à t’attraper. Je te sens glisser hors de moi et c’est tous les deux que nous te réceptionnons. Ça y est, tu es là : moment de grâce ultime ! Je me retourne alors, m’assieds sur le siège et te prends dans mes bras, tellement contente et émue que tu nous aies rejoints, que tu ailles si bien, que tu sois si zen, si propre, si « réussi(e) » (même si je trouve ce mot plutôt rebutant). Je te glisse immédiatement sous ma robe et te mets en peau à peau pour que tu ne prennes pas froid. Je ne regarde pas ton sexe, cela n’a aucune importance pour l’instant, je veux juste que tu restes bien au chaud. Il semblerait (rétrospectivement) qu’il soit 1h15. Papa descend de voiture pour te recouvrir de sa veste et met du chauffage dans la voiture. Puis nous roulons vers l’hôpital. Le reste du trajet est tellement plus agréable que le début !
Damien rappelle Hélène pour lui dire que tu es né(e) et que nous arrivons, à 3. Elle lui répond qu’elle prépare un fauteuil roulant pour nous et nous attend sur le parking des urgences.
Lorsque nous sommes sur place, elle et une autre personne nous attendent avec bienveillance. Elles m’aident à monter sur le fauteuil roulant. C’est donc avec toi dans les bras que je découvre la salle nature de l’hôpital. Papa part garer la voiture sur le « vrai » parking de l’hôpital. J’insiste auprès des sages-femmes sur le fait que je veux découvrir ton sexe en même temps que Papa, quand il reviendra du parking. Je m’installe avec toi sur le grand « lit » où l’on me nettoie un peu. Papa nous y rejoint quelques minutes plus tard. Nous avons le bonheur de constater, ensemble, que nous venons de mettre au monde un 3ème petit garçon ! Nous t’avons tout de suite trouvé si beau !! Elles nous demandent comment tu t’appelles et nous répondons ensemble, tout sourires, « Bibou » (#fakenews mais je ne donne pas les prénoms ici, 😉 ) Puis nous tentons une mise au sein mais tu ne sembles pas encore prêt à téter. Hélène me demande ce que je souhaite faire pour le cordon qui ne bat plus. Il est 2h20, cela fait donc environ 1h05 que tu es né. Tu auras profité des bienfaits de ton cordon jusqu’au bout, conformément à notre projet de naissance. Je réponds à Hélène qu’idéalement, j’aimerais que le placenta sorte avant de couper le cordon. J’essaie donc de pousser pour le faire sortir mais il ne vient pas. Encouragée par Hélène et l’autre personne, je pousse comme je n’ai jamais poussé pour aucun de mes accouchements mais le placenta reste solidement attaché à l’utérus. Je propose une autre position que la position gynécologique pour favoriser la sortie du placenta mais me ravise car je ne contrôle plus mes jambes qui tremblent « toutes seules » : le bas de mon corps semble fatiguer … Comme la mise au sein et le contact avec toi ne suffisent pas à délivrer ton placenta, Papa coupe finalement ton cordon pour faciliter le travail d’Hélène et tu restes alors de longues minutes en peau à peau avec lui. Nous nous y reprenons à de nombreuses reprises pour le faire sortir. Je n’y arrive pas seule, Hélène et l’autre personne m’aident donc un peu pendant que je pousse et il est finalement délivré en plus de poussées qu’il n’en aura fallu pour tes frères et toi réunis pour sortir de moi.
C’est ensuite un long moment de peau à peau et de découverte du sein (droit exclusivement) que nous partageons dans cette salle nature avec un Papa tout aussi attendri que moi.
Quel bonheur d’avoir vécu cette naissance et de sentir qu’elle a été douce pour toi comme pour moi (vibrations de la voiture mises à part).
Évidemment, une naissance en salle nature ou à la maison auraient été plus confortables mais, en dehors du cadre, pour le moins atypique, dans lequel tu es né, nous avons eu la chance d’avoir une naissance plutôt fidèle à ce que nous souhaitions : intime, naturelle, puissante, avec une sensation de travail d’équipe entre Papa et moi.
Cerise sur le gâteau, tu n’auras finalement subi aucune injection de médicament pour lutter contre le streptocoque B. Nous sommes arrivés trop tard pour l’injection pendant le travail et les 2 prises de sang effectuée sur toi au bout de 24 heures puis avant de sortir de la maternité n’ont révélé aucun transmission envers toi.
Bienvenue sur Terre, mon petit amour ! »
J’espère que ce récit vous a plu. Il est imparfaitement écrit et beaucoup plus bref et haché que je ne l’écrirais aujourd’hui, avec plus de recul, mais je le laisse intact, comme un témoignage (en l’état) en postpartum immédiat.
Quelles sont les surprises que vous avez rencontrées lors de vos accouchements ? Ou, que redouteriez-vous le plus ? Venez me raconter ! 🙂
Céline.
Coucou Céline, tout d’abord mes félicitations au nouveau venu avec un peu de temps de retard🙂. Quelle épopée! Récit très immersif! Chaque accouchement est, il est vrai, unique. C’est une richesse que tu aies eu le réflexe de tout écrire pour nous le partager. Du coup, avec une dizaine d’années de retard, je vais faire pareil que toi pour mes petits lous ! Bon, ce ne sera pas aussi fidèle que le lendemain de leur naissance mais bien plus que dans 20 ans! Rires.
Au plaisir de te lire bientôt…